Le pont naturel de Saint-Jean

Le pont « naturel »

Au Nord-Est du village se trouve le site du pont « naturel » de Saint-Jean, aujourd’hui écroulé.

Dans sa Monographie d’Aigues-Vives, l’abbé Jean Uthéza écrit en 1903, pages 99 et 100 :  » Avant d’arriver à Bon homme, (…) on aperçoit, à droite un pont très curieux pour les touristes.(…) Ce pont attire d’autant plus l’attention qu’il n’a point été fait de main d’homme mais creusé tout naturellement au dessous du rocher par les eaux longtemps stagnantes dans ce petit bas fond. Il a suffi de la moindre fissure pour que les eaux aient pu, avec le temps, se frayer un passage et former ensuite un ravin assez profond en s’écoulant au-delà, à travers les Estagnols. Peu à peu d’énormes blocs s’étant détachés ont laissé cette large crevasse au-dessus de laquelle surplombe une voûte assez élevée, très irrégulière sans doute, mais très solide, qu’on appelle depuis des siècles le Pont de St-Jean. « Dans le Bulletin de la Sociétés d’Études Scientifiques de l’Aude, tome XIX, 1908, le Docteur Charles Bourrel écrit :

 » Les dimensions ne sont pas négligeables (…) : l’épaisseur de la voûte, très irrégulière, varie entre 0,40 m et 2 m ; la largeur du tablier est d’environ 3 mètres, ce qui constitue un chemin assez large ; la hauteur du pont, du bord supérieur du tablier jusqu’au fond du fossé, est d’environ 7 mètres ; quant à la largeur de l’entrée, prise du côté du Sud, à un mètre du sol, elle dépasse 12 mètres.(…)
Très intéressant par lui même, splendide observatoire permettant à l’œil d’examiner tous les replis de terrain depuis la Montagne Noire jusqu’à l’Alaric, un pareil site ne pouvait manquer d’exciter la verve des conteurs durant les longues veillées d’hiver « .

Puis plus loin :
 » Comment s’est constitué ce tunnel ? Y avait-il un bassin à travers les bords duquel l’eau s’est infiltrée, dissolvant et désagrégeant les masses jaunâtres sur lesquelles repose la masse dure ; ou bien l’eau de pluie s’est-elle glissée à travers les fissures de la roche qui recouvrait primitivement ce site et sortant en dessous par suintement, a-t-elle parcelle à parcelle enlevé le terrain meuble d’abord, puis, par blocs de plus en plus gros, déblayé complètement cet espace ? Cette hypothèse est peut-être la vraie. Le travail de destruction se continue incessamment ; dans le fossé qui passe sous le pont, gisent d’énormes masses rocheuses ; leur chute affaiblit d’autant l’épaisseur de la voûte qui finira par s’effondrer. « 

Vous pouvez lire l’intégralité d’un article du professeur Charles Bourrel sur le pont de Saint-Jean (publié avec l’aimable accord de ses descendants).

Voici les trois photos prises en 1907 lors de l’étude du pont (tirées du site Internet de la SESA) :

Le pont a inspiré de nombreux photographes, voici trois anciennes cartes postales, datant respectivement de 1907, 1920 et 1938 environ :

La catastrophe

Depuis les blocs ont continué à se détacher et le 18 décembre 1960, après un hiver très rigoureux le pont s’est écroulé, comme l’avait prévu Charles Bourrel 50 ans auparavant, laissant un grand vide dans le panorama. Le Midi Libre se fendit de deux articles le jeudi 22 décembre :

Naturel, vraiment ?

Il était donc reconnu comme hypothèse la plus vraisemblable que le pont avait été crée naturellement, par l’érosion de l’eau.

Pourtant, en 1974, Paul Ambert publie un nouvel article sur le pont de Saint-Jean, toujours dans le Bulletin de la Sociétés d’Études Scientifiques de l’Aude, tome LXXIV, dans lequel il donne le résultat de recherches plus poussées sur le pont.
Il décrit le pont (déjà disparu à cette époque) comme constitué d’une dalle de micro poudingues (comme un béton naturel constitué de petits galets d’environ 3 mm agglomérés entre eux) reposant sur un lit de marne (roche de faible dureté composée de calcaire et d’argile). Il séparait deux cuvettes mal drainées, celle de Saint-Jean à l’Ouest, de celle les Estagnols à l’Est, de 10 mètres plus profonde.
L’orientation des cuvettes et de la barre rocheuses (Nord-Ouest Sud-Est) s’explique par l’érosion du vent. Mais l’érosion éolienne ne paraît pas être à l’origine de la formation du pont.
Quant à l’érosion provoquée par l’eau stagnante du bassin de Saint-Jean, « cherchant » à s’écouler vers le bassin des Estagnols, plus bas, ne convainc pas non plus l’auteur, estimant les quantités d’eau insuffisantes pour former une telle excavation.
Paul Ambert propose donc une nouvelle théorie sur la création du pont : les hommes auraient creusé un canal à travers les poudingues pour permettre le drainage des eaux du bassin de Saint-Jean vers celui des Estagnols ; ceci afin de prolonger l’écoulement de différents bassins vers l’étang de Marseillette (et aussi continuer ou démarrer les travaux d’assainissement de la région, voir l’histoire de l’étang asséché de Marseillette). Ensuite, le ravinement des eaux passant dans l’entaille creusée et la modifications structurelle de la paroi rocheuse lors des travaux ont dû faire tomber plusieurs blocs, créant l’arche du pont.

Photos actuelles

Voici des photos de ce qui reste du pont, prises en février 2007 :