La tour carrée

A côté du clocher de l’église s’élève la « tour carrée » d’Aigues-Vives. Elle mesure environ 15 m de haut et sa base est un rectangle de 6 m sur 5 m (elle n’est donc pas carrée !). Elle est dans un état remarquable de conservation et a été peu modifiée depuis sa construction.

Carte postale de 1920, éditions Henri Bibet

Les études archéologiques récentes de Marie-Elise Gardel et Frédéric Loppe ont permis d’estimer que la construction de la tour date vraisemblablement du XIIe siècle (et peut-être avant), ce qui en fait le monument le plus ancien du village. Il est fort probable que le château, puis ses murailles et le village castral se sont par la suite développés autour de cet édifice.

La tour devait mesurer 5 mètres de plus qu’aujourd’hui, avec un troisième étage à vocation défensive, peut-être couvert, avec des créneaux. Cet étage a aujourd’hui disparu et a été remplacé par un toit en pente unique. Bâtie sur un monticule rocheux, elle devait servir de tour de défense et aussi d’observation. On peut se rendre compte sur cette carte postale de 1910 que la tour en effet domine le paysage :

A partir d’environ 6 mètres de haut, on peut distinguer une différence de couleur des murs de la tour, ce qui laisse à penser que cette tour a été construite en deux temps. L’épaisseur de ses murs est de 1,80 m sur les 6 premiers mètres, puis de « seulement » 1,20 m jusqu’au sommet de la tour.

On trouve à cette même hauteur l’unique porte d’origine de la tour, qui donne accès au 1e étage. On retrouve cette position élevée dans de nombreux donjons, car son inaccessibilité la rendait plus facile à défendre. On y montait par une échelle qu’on faisait tomber derrière soi pour empêcher les attaquants d’entrer dans la tour. On ne sait pas si on montait jusqu’à cette porte par une échelle ou un escalier, mais on peut voir deux cavités sous le seuil de la porte qui devaient servir à accueillir un système d’accès en bois.

Il y avait une porte en bois que l’on fermait d’une barre de bois (d’au moins 2 m de long) qui coulissait dans le mur de droite (en regardant face à la tour) et se coinçait dans une encoche du mur de gauche. Un petit passage vouté mène dans la seule pièce de ce 1e étage. Cette pièce (3,20 m sur 2,20 m) permettait d’accéder à un 2e étage (par une échelle ?) et au rez-de-chaussée par une trappe. On peut encore voir, à 4 m au dessus du sol du 1e étage, des cavités creusées dans les murs et qui accueillait sûrement les poutres soutenant le plancher en bois du 2e étage.

Une deuxième porte a été percée plus tard au bas de la tour, pour accéder au rez-de-chaussée. Elle mesure seulement 1,40 m de haut et constitue, avec le toit, la seule altération importante de la tour au cours des siècles.

A l’origine, la pièce du rez-de-chaussée (2,10 m sur 1,75 m) n’était accessible que par une minuscule trappe percée dans le plafond vouté en pierre. Elle devait servir de réserve (nourriture ou matériel). Ses murs très épais (jusqu’à 1,60 m) sont typiques d’un système romain de résistance passive contre les tentatives de sape par des ennemis. Ils permettent aussi de résister à la pression de sa voute et des étages supérieurs.

Tous ces éléments permettent de penser que notre tour carrée constituait sûrement le dernier refuge du castrum : des murs très épais pour résister aux attaques, une porte unique d’accès difficile, des pièces trop petites pour être des logements, la réserve au rez-de-chaussée et certainement un toit plat pour riposter contre des assaillants.